Page:Goethe - Hermann et Dorothée, 1886, trad. Boré.djvu/24

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« C’est très-bien, femme, d’avoir eu de la compassion, d’avoir envoyé, par le fils, des provisions de vieux linge, d’aliments et de boissons qu’il va distribuer à ces malheureux, car donner est affaire du riche. Comme ce garçon-là sait conduire, comme il maîtrise les chevaux ! La nouvelle petite voiture a fort bon air : quatre personnes, sans compter le cocher sur le siège, y tiendraient à l’aise ; Hermann, cette fois, est allé seul ; avec quelle légèreté elle tourne l’angle de la borne ! »

Ainsi parlait à sa femme l’hôtelier du Lion d’or, commodément assis devant la porte de sa maison, située sur la place du marché. L’intelligente et sage ménagère lui répondit :

« Père, je ne fais pas facilement cadeau du vieux linge, car, on a mainte occasion de l’employer, et l’on ne saurait, au besoin, s’en procurer pour de l’argent. C’est, toutefois, bien volontiers qu’aujourd’hui j’ai donné plusieurs bonnes couvertures, plusieurs bonnes chemises, quand j’ai entendu parler d’enfants, de vieillards, qui s’en vont nus en exil. Mais, vas-tu me le pardonner ? ton armoire a aussi été mise au pillage ; partieulièrenient ta robe de chambre du plus fin coton, cette indienne à fleurs, doublée de fine flanelle, je l’ai donnée ; elle est vieille, usée, et tout à fait hors de mode. »

Là-dessus l’excellent hôtelier dit avec un sourire :

« Je la regrette, cependant, la vieille robe de