Page:Goethe - Hermann et Dorothée, 1886, trad. Boré.djvu/27

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où l’on mène tristement à la mort un malheureux criminel. De même, aujourd’hui, toute la ville sort pour contempler la misère de ces honnêtes exilés, et nul ne réfléchit qu’une semblable infortune peut l’atteindre demain, ou du moins, dans l’avenir. Je trouve impardonnable cette légèreté ! mais elle a son gîte au fond même de l’homme. »

Alors commença de parler le noble et intelligent pasteur, l’ornement de la cité, un homme jeune encore, mais touchant à l’âge mur. Celui-là avait approfondi la vie humaine, il savait les besoins de ses auditeurs ; son âme était toute pénétrée de la suprême vertu des saintes Écritures, qui nous dévoilent la condition et les sentiments des hommes ; il connaissait aussi les meilleurs écrivains profanes. Il dit :

« Je ne me permets point de blâmer, quand ils ne sont pas dangereux, les instincts dont la nature, bonne et prévoyante mère, nous a dotés, car, ce que ne peuvent pas toujours l’intelligence et le raisonnement, nous le devons souvent à une inclination heureuse, qui nous entraîne par un charme irrésistible. Si l’impétueux penchant de la curiosité n’emportait pas l’homme, découvrirait-il jamais, je vous le demande, l’admirable harmonie des êtres ? La nouveauté l’attire d’abord, l’utile devient ensuite l’objet de ses infatigables recherches ; enfin, il aspire au bien qui l’élève et