Page:Goethe - Hermann et Dorothée, 1886, trad. Boré.djvu/28

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l’ennoblit. Dans la jeunesse, l’insouciance lui est une joyeuse compagne ; elle voile à ses yeux le péril, et, d’une main légère, si, par hasard, en passant, le malheur l’a effleuré, elle en efface aussitôt la douloureuse empreinte. Heureux l’homme chez lequel, à une époque plus mûre, la raison s’épanouit de soi-même de cette juvénile insouciance, et qui, dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, déploie son ardente activité ! il produit le bien et répare le dommage. »

Le pasteur ayant fini, l’impatiente ménagère dit avec une affectueuse familiarité :

« Racontez-nous ce que vos avez vu ; j’ai hâte de le savoir. »

— « Après tout ce dont je viens d’être témoin répondit le pharmacien d’un ton grave, il me sera difficile de redevenir gai de sitôt. Qui pourrait retracer, à la fois, cet assemblage et cette variété de misères ? Déjà nous voyions, au loin, un nuage de poussière, avant d’être descendus dans les prairies. Le convoi se prolongeait à perte de vue, de colline en colline ; on ne distinguait presque rien à cette distance. Mais, quand nous eûmes gagné le chemin qui coupe obliquement la vallée, nous tombâmes au milieu d’une grande et bruyante presse de piétons et de chariots. Hélas ! nous vimes encore défiler assez de ces infortunés ; nous pûmes entendre, de la propre bouche de plusieurs, com-