Page:Goethe - Hermann et Dorothée, 1886, trad. Boré.djvu/36

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Comme elle était près de son terme, c’est à grand’peine que je l’ai sauvée et transportée avec ses bœufs et sa charrette. Nous avons suivi lentement les autres, car elle n’a qu’un souffle de vie. Son nouveau-né repose maintenant nu dans ses bras. Nos compagnons d’infortune ne peuvent guère la soulager, si, toutefois, nous les rejoignons dans le prochain village, où nous comptons faire halte aujourd’hui ; mais je crains qu’ils ne soient déjà plus loin. Êtes-vous du voisinage ? Avez-vous, peut-être, quelque linge dont vous puissiez vous passer ? Ayez, dans ce cas, la bonté d’en gratifier des malheureux. »

La jeune fille avait parlé : l’accouchée, pille, défaillante, fixa sur moi ses regards en se soulevant de dessus la paille. Je dis alors à l’une et à l’autre :

« Souvent, en vérité, un esprit céleste inspire les gens de bien, de sorte que, d’avance, ils sentent la détresse qui menace leurs pauvres frères. Ainsi, ma mère, prévoyant vos maux, m’a remis un paquet pour l’offrir, sans retard, à la nudité de l’indigence. »

Et, en même temps, je dénouais les cordons et je présentais à la jeune fille la robe de chambre de mon père, les draps et les chemises. Elle me remercia avec effusion :

« Les heureux du monde, s’écria-t-elle, ne croient pas qu’aujourd’hui encore des miracles s’accom-