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Page:Goethe - Le Renard, 1861, trad. Grenier.djvu/194

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Isengrin répliqua alors résolument: «En vérité, nous ne viderons pas cette querelle avec des paroles. À quoi bon nous essouffler? Le bon droit est toujours le bon droit, et on verra à la fin celui qui de nous deux le possède. Reineke, tu as voulu payer d'audace, qu'il en soit ainsi! Nous combattrons l'un contre l'autre, et tout s'arrangera! Vous ne manquez pas de paroles pour raconter la grande faim que j'ai eue devant la demeure des singes et la générosité que vous eûtes alors de me donner à manger. Je voudrais bien savoir avec quoi? Vous ne m'avez apporté qu'un os, probablement vous aviez mangé la viande. Partout, vous vous moquez de moi, et dans des termes qui touchent mon honneur. Par d'infâmes mensonges vous m'avez rendu suspect d'avoir médité une conspiration contre le roi et d'avoir voulu lui ôter la vie: tandis que vous lui faites briller je ne sais quels trésors devant les yeux. Il aurait bien de la peine à les trouver! Vous avez outragé ma femme, et vous me le payerez. Je vous accuse de toutes ces choses; je combattrai pour d'anciens et de nouveaux griefs, et, je le répète, vous êtes un assassin, un traître et un voleur. Nous combattrons à mort; voilà assez de bavardages et d'insultes; je vous présente un gant, comme tout appelant doit le faire; gardez-le comme un gage. Nous nous retrouverons bientôt. Le roi l'a entendu, tous les seigneurs aussi. J'espère qu'ils seront témoins de ce duel judiciaire; vous n'échapperez pas jusqu'à ce que l'affaire soit enfin décidée; alors nous verrons.»

Reineke pensa en lui-même: «Il s'agit ici de jouer sa fortune et sa vie! Il est grand de taille et moi petit. Si je ne suis pas le plus fort cette fois-ci, toutes mes ruses ne m'auront pas servi à grand'chose. Mais attendons. Car, tout bien considéré, c'est moi qui ai l'avantage; n'a-t-il pas déjà perdu ses griffes