Page:Goethe - Le Renard, 1861, trad. Grenier.djvu/88

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avaient envoyé tout d'abord des lettres franches dans plusieurs provinces pour recruter des mercenaires: ils devaient arriver en grand nombre sans retard, Brun devait les prendre à son service et même leur promettait gracieusement de leur payer leur solde d'avance. Mon père parcourait la contrée en montrant des lettres de change probablement tirées sur son trésor, qu'il croyait toujours en sûreté; mais c'en était fait; il aurait eu beau se livrer à toutes les recherches avec ses complices, il n'aurait pas trouvé un liard. Il n'épargna aucune fatigue; c'est ainsi qu'il parcourut tous les pays entre l'Elbe et le Rhin et avait raccolé maints mercenaires. L'argent devait donner force poids à ses belles paroles. L'été arriva; mon père revint auprès des conjurés. Il leur raconta toutes ses peines, tous ses périls et surtout la détresse où il se trouva en Saxe devant les châteaux forts où il manqua perdre la vie; car là, tous les jours, il fut poursuivi par des chasseurs à cheval et des meutes; si bien qu'il eut toutes les peines du monde à s'en tirer sain et sauf. Ensuite, il montra aux quatre perfides conjurés la liste des compagnons qu'il avait gagnés par ses promesses et par son or. La nouvelle réjouit Brun. Tous les cinq se mirent à parcourir la liste ensemble; il y était dit: «Douze cents parents d'Isengrin, tous gens sans peur, viendront la gueule ouverte et les dents aiguisées; de plus, les chats et les ours sont tous dévoués à Brun; tous les blaireaux de la Saxe et de la Thuringe se présenteront, mais à condition de toucher un mois de solde d'avance; en revanche, ils s'engagent à être prêts en masse à la première réquisition.» Dieu soit loué de m'avoir permis de déjouer leurs plans! car, lorsque tout fut arrangé, mon père se hâta de les quitter pour aller voir son trésor. Son chagrin allait commencer. Il fouilla et chercha; mais il eut beau fouiller et chercher, il ne trouva plus rien. Sa peine fut inutile et son désespoir aussi; car le trésor était loin et il ne put le découvrir nulle part. Alors (comme ce souvenir me torture nuit et jour!) mon père se pendit de douleur et de honte. Voilà tout