terres ; mais il n’est ni nécessaire ni prudent de distribuer tes dons toi-même ni chez toi. Il faut être juste et modéré en tout, même dans la bienfaisance : des dons trop fréquents et trop considérables sont plutôt un appât qu’un secours pour le pauvre, tandis qu’il est juste et bon de lui apparaître parfois sur la route, sous la forme d’un hasard heureux qui lui procure un soulagement momentané. J’ai conçu à ce sujet un projet dont la situation du château et du village rend l’exécution très-facile. Le cabaret est situé à l’une des extrémités du village, à l’autre demeure un vieux couple honnête et sédentaire ; dépose dans ces deux maisons une petite somme que tu renouvelleras périodiquement, et dont chaque mendiant qui passera aura sa part ; il faudra surtout qu’elle lui soit remise non en entrant, mais en sortant du village.
— Viens, dit Édouard, et arrangeons cela à l’instant. Il sera temps plus tard de nous occuper des détails.
Ils se rendirent aussitôt chez l’aubergiste, puis chez le vieux couple, et la sage mesure proposée par le Capitaine eut un commencement d’exécution.
— Tu viens de me prouver de nouveau, dit le Baron en reprenant le chemin du château, que tout en ce monde dépend d’une bonne pensée et d’une forte résolution. C’est ainsi qu’en jugeant sainement et au premier coup d’œil les promenades et les plantations de ma femme, tu m’as suggéré des idées pour corriger ses méprises. Je me suis empressé de les lui communiquer et…
— Oh ! je m’en suis aperçu, interrompit le Capitaine en riant, et tu as fait là une grande faute, car tu l’as offensée, blessée même sans la convaincre. Depuis le jour