Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/145

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embrasser tous ses désirs… Et son amant l’abandonne. La voilà glacée, privée de connaissance, devant un abîme. Tout est obscurité autour d’elle ; aucune perspective, aucune consolation, aucun bon pressentiment : car celui-là l’a délaissée dans lequel seul elle sentait son existence ! Elle ne voit point le vaste univers qui est devant elle, ni le nombre de ceux qui pourraient remplacer la perte qu’elle a faite. Aveuglée, accablée de l’excessive peine de son cœur, elle se précipite, pour étouffer tous ses tourments, dans une mort qui tout embrasse et tout termine. Voilà l’histoire de bien des hommes. « Dites-moi, Albert, n’est-ce pas la même marche que celle de la maladie ? La nature ne trouve aucune issue pour sortir du labyrinthe des forces déréglées et agissantes en sens contraires, et l’homme doit mourir.

« Malheur à celui qui oserait dire ; L’insensée ! si elle eût attendu, si elle eût laissé agir le temps, son désespoir se serait calmé ; elle aurait trouve bientôt un consolateur. C’est comme si l’on disait : L’insensé, qui meurt de la fièvre ! s’il avait attendu que ses forces fussent revenues, que son sang fût purifié, tout se serait rétabli, et il vivrait encore aujourd’hui. »

Albert, qui ne trouvait point encore cette comparaison frappante, me fit des objections, entre autres celle-ci. Je venais de citer une jeune fille simple et bornée ; mais il ne pouvait concevoir comment on excuserait un homme d’esprit, dont les facultés sont plus étendues et qui saisit