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Page:Gogol - Le Revizor 1922.djvu/129

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LE RÉVIZOR 121

Le directeur des postes. — Eh ! Antone Anto- novitch, il s'agit bien de Sibérie... elle est loin, la Sibérie... Je vous lirai plutôt... Messieurs, permettez- moi de vous lire cette lettre...

Tous. — Lisez, lisez.

Le directeur des postes (il lit). — « Mon cher Triapitchkine, j'ai hâte de t'écrire l'invraisemblable et miraculeuse histoire qui m' arrive. Un capitaine m'avait complètement vidé au jeu, pendant mon voyage, je ne pouvais payer l'hôtel et j'étais menacé de prison lorsque, grâce à ma mine et à mon costume de la capitale, tout le monde ici m'a pris pour un gouverneur général. J'habite chez le préfet, je bouffe et fais une cour endiablée à sa femme et à sa fille... c'est à ne pas savoir par laquelle commencer ! Je me décide à prendre la mère, car je la sens prête à tout... Te rappelles-tu notre vache enragée? Te sou- viens-tu de ce pâtissier qui m'a fichu à la porte pour des gâteaux mangés sur le compte du roi d'Angle- terre... Ici, les rôles sont renversés... Tous me prêtent de l'argent, en veux-tu, en voilà. De vrais originaux, tu crèverais de rire ! Tu écris des articles, je sais ; ne les oublie donc pas. D'abord le préfet, bête comme un cheval gris... »

Le préfet. — Impossible, ce n'est pas écrit...

Le directeur des postes (montre la lettre). — Lisez vous-même.

Le préfet (lisant). — « Bête comme un cheval gris... » Impossible, c'est vous qui l'avez écrit.

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