Page:Gogol - Les Âmes mortes, tome 1, trad Charrière, 1859.djvu/367

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ÉPILOGUE.


Que le lecteur veuille bien ne pas s’en prendre à l’écrivain si les personnages qui ont paru dans nos dix premiers chants ont été loin de le séduire et de le charmer. Ce qu’il a pu trouver en eux de choquant et de peu attractif doit s’imputer à Tchitchikof, et non pas à nous : il est le maître, et là où il lui convient d’aller, nous avons pour devoir de l’y suivre. Si l’on persistait à nous accuser et à nous rendre responsable de ce qu’il y a jusqu’ici de fruste et d’opaque dans les figures, de peu élevé dans les caractères, nous prendrions la liberté de faire observer à nos aristarques que ce n’est jamais par la seule inspection des cryptes et des assises que l’on juge de la beauté et du mérite artistique d’un édifice.

Les abords de n’importe quelle cité, fût-ce même d’une capitale d’empire, ont toujours quelque chose de pâle, de grisâtre, d’uniforme, de poudreux, qui est fort peu attrayant ; ce sont des usines, des fabriques, des manufactures noires de fumée, des cimetières, des dépôts de matériaux et la voirie. C’est en avançant qu’on voit se dessiner les angles à balcons de maisons à six étages, les magasins ornés de belles enseignes, les portes cochères architecturales, les palais, les rues à longue et large perspective, toutes bordées de clochers, de fontaines d’art et d’utilité ; des colonnes, des statues, des tours ; toutes remplies de voitures, de bruit, de vie, d’éclat, de tout ce que la main et le génie de l’homme ont produit de grand et de glorieux.

Comment ont eu lieu les premières acquisitions de Tchitchikof ? c’est là ce que nous avions à faire voir d’abord au lecteur. Dans l’action qui va maintenant se développer, comment les succès, les obstacles, les revers,