Page:Gogol - Les Âmes mortes, tome 1, trad Charrière, 1859.djvu/382

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veut sûrement enlever la fille du gouverneur. — Préoccupation des hommes : Qu’est-ce, au fond, que ces âmes mortes ? et qu’est-ce que Tchitchikof lui-même ? — Des circonstances multiples viennent s’accumuler comme pour mettre les esprits à la torture. — Il est beaucoup parlé de la nomination et de la prochaine arrivée d’un nouveau gouverneur civil. — Sur ce seul bruit pas un employé, pas un magistrat qui ne fasse son examen de conscience et ne s’efforce de mettre ordre aux affaires. — Mais toujours faudrait-il bien savoir ce que c’est que ce Tchitchikof, objet des propos passionnés et contradictoires de la ville et des champs ; est-ce un homme qu’il faudrait arrêter ? ou n’est-ce pas un homme à carte blanche, bleue ou verte, et qui lui-même pourrait faire arrêter tout le monde ? — Et la dame Korobotchka avec ses récits fantastiques. — Incertitude, malaise, stupeur générale. 
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LE DÉNOÛMENT PAR LA FUGUE DU HÉROS.
Les employés se réunissent chez le maître de police. — Ils se livrent à de nouvelles conjectures sur Tchitchikof. — Des ordres sont arrivés de rechercher des faux-monnayeurs et des brigands. — Tchitchikof ne serait-il pas le capitaine Kopeïkine ? — Naïveté de cette supposition, Kopeïkine n’ayant qu’un bras et qu’une jambe. — Mais ne serait-il pas Napoléon échappé de Sainte-Hélène ? — Ou ne serait-ce pas bien plutôt l’antechrist, objet de graves préoccupations populaires à une époque où le mysticisme était de mode jusque dans les plus hautes régions de la société ? — On ne croit jamais un mot de ce que dit Nozdref. N’importe, il est encore en ville, on l’envoie inviter, on le questionne ; il déblatère, et le cénacle tremble. — Nozdref, en sortant de là, court à l’auberge de Tchitchikof, dont il espère soutirer une bonne somme d’argent, en mettant sur le compte des habitants tous les propos qu’il vient de tenir lui-même, enchérissant sur les plus absurdes et les plus horripilants. — Tchitchikof, alarmé, prend le parti de quitter la ville le lendemain de cette fâcheuse visite ; il veut que sa britchka soit prête dès l’aurore ; il donne ses ordres en conséquence et se met au lit. — Pendant qu’il repose innocemment, les propos de Nozdref font leur chemin et les dames, plus éveillées que jamais, colportent de maison en maison leur découverte que notre héros est faux-monnayeur, chef d’une troupe de brigands redoutables, espion de police, polygame ; qu’il vient, avec l’aide de Nozdref, qui n’en disconvient pas, d’enlever la fille du gouverneur, et que le prêtre de tel village les a mariés dans les formes pour soixante-quinze roubles. — Séliphane paraît fort contrarié de l’ordre d’être prêt au départ pour l’aube du jour. 
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fin de la table du premier volume.