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Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/118

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— Eh bien, que viens-tu faire ici ? dit le philosophe. —

Mais la vieille allait droit à lui, les bras ouverts.

— Eh, eh, pensa le philosophe ; mais non, mon pigeonneau, tu es trop dur. —

Il se roula deux pas en arrière. La vieille, sans plus de cérémonie, s’approcha de nouveau.

— Écoute, bonne femme, dit le philosophe, nous sommes en carême, et je suis un tel homme que, pour mille slotis, je ne toucherais de la viande. —

Cependant la vieille étendait toujours les bras et tâchait de l’attraper, sans lui dire un mot. Une terreur subite saisit le philosophe, surtout quand il vit les yeux de la vieille étinceler tout à coup.

— Femme, que veux-tu ? va-t’en, va-t’en avec Dieu, — s’écria-t-il.

Mais elle, toujours sans répondre, le saisit avec les deux mains. Il se lève tout d’une pièce, avec l’idée de fuir. La vieille se place devant la porte, plonge sur lui son regard flamboyant, et recommence de marcher à sa rencontre. Le philosophe veut la repousser ; mais, à sa grande surprise, il s’aperçoit que ses mains ne peuvent se lever, ni ses jambes remuer de place. Sa voix même cesse de retentir ; il dit des paroles qui n’ont point de son. Seulement, le cœur lui bat avec violence. Il voit la vieille s’approcher de lui, le saisir, lui croiser les deux bras sur la poitrine, lui courber la tête,