Aller au contenu

Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et s’élancer avec l’agilité d’un chat sur ses épaules ; puis elle le frappe avec son balai, et le voilà qui se jette en avant, piaffant comme un cheval.

Tout cela s’était fait avec une telle rapidité que le pauvre philosophe n’avait pas eu le temps de se reconnaître. Il saisit ses genoux à deux mains dans l’intention de les arrêter ; mais, ô stupéfaction, ses jambes bondissaient contre sa volonté, et faisaient des courbettes dignes d’un cheval circassien. Ce n’est que lorsqu’ils eurent laissé loin derrière eux le hameau, et qu’une plaine immense se déroula devant leurs yeux, bordée d’un côté par une forêt sombre comme une trace de charbon, ce n’est qu’alors qu’il se dit à lui-même : — Eh ! mais, c’est une sorcière ? —

Le croissant de la lune répandait dans l’air une blanche lueur. La timide lumière de minuit, toute pénétrée de vapeurs ondoyantes, s’étendait légèrement sur la terre comme un voile diaphane. Les bois, les prairies, les vallons, les collines, tout semblait dormir avec les yeux ouverts. Le vent ne bruissait nulle part. Il y avait quelque chose d’humide et de chaud dans la fraîcheur de la nuit. Les ombres des arbres et des broussailles tombaient longues et aiguës comme des queues de comètes sur la surface unie de la plaine.

Telle était la nuit quand le philosophe Thomas Brutus galopait de la sorte avec un si étranger ca-