Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/135

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Quand le philosophe eut bien mesuré des yeux la rapidité de cette pente, et quand il se rappela le voyage de la veille, il se dit ou que les chevaux du centenier avaient le pied bien sûr, ou que les Cosaques avaient des têtes bien fortes pour se risquer dans de tels précipices.

Le philosophe se trouvait sur le point culminant de la cour, et quand il se retourna pour regarder de l’autre côté, un tout autre paysage s’offrit à ses regards. Le village descendait graduellement jusqu’à la plaine, où des prairies se déroulaient à perte de vue. Leur verdure éclatante s’assombrissait dans le lointain, et une foule de hameaux se marquaient en teintes bleues éparses dans la steppe. Quelques-uns n’étaient pas à moins de vingt verstes de la maison du centenier. Une petite chaîne de collines longeait cette vaste plaine, où le Dnieper étincelait et miroitait comme une plaque d’acier.

— Ah ! quel beau pays ! se dit le philosophe ; voilà où il ferait bon vivre, où il ferait bon pêcher dans le fleuve ou les étangs, et chasser des strépettes et des cronschneps[1] avec des filets ou le fusil. Du reste, je crois qu’il y a aussi beaucoup de grandes outardes dans les champs. On pourrait également sécher des fruits et les vendre à la ville, ou, mieux encore, en faire de l’eau-de-vie, car l’eau-

  1. Petites outardes et hautes bécasses particulières aux steppes de l’Ukraine.