Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vain que Dieu a arrangé chacun à sa guise ; les gens de science disent que toute sorcière a une petite queue.

— Toute vieille femme est une sorcière, dit gravement un vieux Cosaque.

— Et vous donc, vous autres, s’écria la paysanne qui remplissait le pot de nouveaux galouchkis, vous êtes de véritables gros sangliers. —

Le vieux Cosaque, dont le nom était Iavtoukh, témoigna silencieusement sa joie par un sourire de satisfaction, en remarquant que ses paroles avaient fâché la bonne femme, et le berger partit d’un éclat de rire si lourd et si creux qu’il semblait que deux bœufs, arrêtés nez à nez, s’étaient mis à mugir à la fois.

La conversation qui venait de s’entamer excitait au plus haut degré la curiosité du philosophe, qui désirait connaître toutes les particularités concernant la vie de la défunte. C’est pourquoi, s’adressant de nouveau à son voisin :

— Je voudrais bien savoir, dit-il, pourquoi toute l’honorable société réunie à cette table se croit en droit de supposer que la demoiselle était une sorcière ? Est-ce qu’elle a fait du mal à quelqu’un ? Est-ce qu’elle l’a fait dépérir et mourir en lui jetant des charmes ?

— Il y a eu de tout cela, répondit un des convives qui avait le visage plat comme une bêche.