Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/27

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— Mais, dis-moi un peu, que fais-tu ?

— Comment ! ce que je fais ! je ne fais rien, répondis-je.

— Mais, penses-y, penses-y bien ; tu as déjà plus de quarante ans. Il est temps de devenir sage. Qu’est-ce que tu t’imagines ? crois-tu que je ne connaisse pas toutes tes folies ? tu fais la cour à la fille du directeur. Mais regarde-toi ; pense un peu qui tu es. Tu n’es qu’un zéro, tu n’es rien, tu n’as pas un sou vaillant. Et regarde ta figure dans un miroir. Comment peux-tu seulement penser à cela ? —

Que diable ! parce qu’il a, lui, une figure qui ressemble à un flacon d’apothicaire, et qu’il a sur sa tête un petit toupet frisé, et qu’il y met de la pommade, il croit que lui seul peut tout faire. Je comprends, je comprends pourquoi il se fâche. Il m’envie ; il a remarqué sans doute quelques signes de préférence qui s’adressaient à moi. Mais je lui crache dessus. Voyez un peu ; quelle grande chose c’est qu’un conseiller de cour[1] ! Il s’est accroché une chaîne d’or à sa montre, il se fait faire des bottes à trente roubles ; mais, que le diable l’emporte ! Et moi, est-ce que je suis le fils d’un tailleur ou d’un bas officier ? Je suis gentilhomme, je puis parvenir aussi. D’ailleurs, je n’ai que qua-

  1. Septième rang dans le tchin.