Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/38

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aussi d’assez grande et d’assez grosse taille. Ce sot-là doit être horriblement impertinent. J’ai un peu grondé contre lui ; mais ça lui est parfaitement égal. Il laisse pendre sa langue et ses lourdes oreilles, se plante là, et ne cesse de regarder dans ma fenêtre. Quel paysan ! Mais, crois-tu, ma chère, que mon cœur soit indifférent à toutes les avances ? Oh ! non. Si tu avais vu un beau cavalier qui saute souvent par-dessus la haie de la maison voisine, et qui se nomme Trésor.... Ah ! ma chère, quel charmant petit museau il a !


Au diable tout ce bavardage. Comment peut-on remplir une lettre de pareilles sottises ? Donnez-moi un homme, je veux un homme. Je veux une nourriture qui puisse alimenter et délecter mon âme ; et, au lieu de cela, l’on me donne de pareilles sornettes. Tournons la page ; peut-être sera-ce mieux.


Sophie était assise à sa table, et brodait. Je regardais par la fenêtre, car j’aime à examiner les passants. Tout à coup, un laquais entre, et dit : — Téploff. — Faites entrer. faites entrer, s’écria Sophie ; et la voilà qui se met à m’embrasser. — Ah ! Medgi, Medgi, si tu savais qui c’est ! Un beau brun, un gentilhomme de la chambre, et quels yeux il a ! noirs et étincelants comme le feu. — Et Sophie se sauve en courant dans sa chambre. Une minute après, entra un jeune gentilhomme avec des favoris noirs ; il s’approcha de la glace, passa la main dans ses cheveux, et parcourut la chambre du regard. Je grondais un peu, et je gagnai lentement ma place. Sophie revint bientôt, et le salua en souriant. Moi, je continuai à regarder par la fenêtre, sans faire semblant de rien. Cependant je penchai la tête un peu de