Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme si je ne savais pas que c’est de l’envie tout cela, comme si je ne savais pas qui me fait toutes ces avanies ! C’est mon chef de bureau. Voilà, par exemple, un homme qui m’a juré une haine éternelle.... et le voilà qui me fait du tort, qui me fait du tort à chaque pas. Voyons cependant une autre lettre. Peut-être que là l’affaire s’éclaircira d’elle-même.


Ma chère Fidèle, pardonne-moi d’avoir tardé si longtemps à t’écrire. Je nageais dans les délices. Un auteur a dit, avec beaucoup de raison, que l’amour est la seconde vie. Il se fait de grands changements dans notre maison. Le gentilhomme de la chambre nous vient voir maintenant tous les jours. Sophie est folle de lui ; papa très-content. J’ai déjà entendu dire à notre Grégoire, qui, en balayant les chambres, a l’habitude de parler avec lui-même, que la noce se fera bientôt, car le papa veut absolument marier sa fille à un général, ou bien à un gentilhomme de la chambre, ou bien à un colonel militaire.


Oh ! je n’ai pas la force d’en lire davantage. Toujours un gentilhomme de la chambre ou un général.... J’aurais bien voulu devenir général moi-même, non pour obtenir sa main et le reste ; non, j’aurais voulu le devenir seulement pour voir comment ils m’auraient fait tous deux la cour, et quels jolis compliments j’en aurais reçus ; et puis pour leur dire après : Je crache sur vous deux. Que le diable emporte tout ! J’ai mis en mille pièces les lettres de cette sotte petite chienne.