demi ruinée, le jardin abandonné et l’étang changé en marécage. Oui, je suis triste seulement d’y penser. Mais commençons notre récit.
Athanase Ivanovitch Tovstogoub et Pulchérie Ivanovna Torstogoubikha[1], comme l’appelaient les paysans de la contrée, étaient ces deux vieillards dont je viens de parler. Si j’étais peintre et que j’eusse à représenter Philémon et Baucis, je ne choisirais pas d’autres modèles. Athanase Ivanovitch avait soixante ans, Pulchérie Ivanovna, cinquante-cinq. Athanase Ivanovitch était de haute taille ; il portait constamment une petite pelisse en peau de mouton (touloup), recouverte de camelotte ; il aimait à se tenir assis, courbé, et souriait toujours, soit qu’il racontât lui-même, soit qu’il écoutât un autre parler. Pulchérie Ivanovna était sérieuse, au contraire, et riait rarement. Mais il y avait tant de bonté dans ses yeux et sur tout son visage, on y lisait si clairement le plaisir qu’elle éprouvait à vous donner ce qu’elle avait de meilleur, que vous auriez trouvé qu’un sourire de plus eût rendu trop doucereuse sa bonne physionomie. Les rides de leurs visages étaient dis-
- ↑ On sait qu’Ivanovitch et Ivanovna veulent dire fils d’Ivan et fille d’Ivan. En Russie, ces noms patronymiques, formés avec le prénom du père, sont inséparables du prénom de la personne qui les porte, et servent bien plus souvent à la désigner, soit qu’on lui parle, soit qu’on parle d’elle, que son nom même de famille.