posées avec tant de grâce qu’un peintre eût fait son profit à les copier. Il semblait qu’on y pouvait lire toute leur vie honnête et calme, une vie comme la mènent les anciennes bonnes familles de la Petite-Russie, qui forment le plus frappant contraste avec ces vils Petits-Russiens qui, de colporteurs et de marchands de goudron qu’ils étaient, deviennent des employés de l’État, se jettent, comme des sauterelles, sur toutes les charges des cours de justice, arrachent le dernier kopek à leurs propres compatriotes, accumulent un capital, et ajoutent solennellement à la terminaison o de leur nom de famille, la lettre w pour en faire un nom russe. Non, ils ne ressemblaient pas, mes deux vieillards, à ces méprisables créatures, pas plus que ces familles de la vieille roche qu’on trouve encore dans la Petite-Russie. L’on ne pouvait voir, sans en être touché, leur mutuelle affection ; ils ne se disaient jamais toi, mais toujours vous :
— Vous, Athanase Ivanovitch ; vous, Pulchérie Ivanovna.
— Est-ce vous, Athanase Ivanovitch, qui avez défoncé cette chaise de paille ? —
— Ce n’est rien, ne vous fâchez pas, Pulchérie Ivanovna, c’est moi-même.
Ils n’avaient jamais eu d’enfants, de sorte que toute leur affection s’était concentrée de l’un sur l’autre. Dans sa jeunesse, Athanase Ivanovitch