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Page:Gogol - Nouvelles choisies Hachette - Viardot, 1853.djvu/79

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on ne prévoit jamais ce qui peut arriver. Des voleurs peuvent vous attaquer, ou l’on peut rencontrer d’autres mauvais sujets.

— Dieu nous garde des voleurs, disait Pulchérie Ivanovna. Pourquoi raconter de pareilles histoires quand il fait nuit ? Ce ne sont pas les voleurs qu’il faut craindre ; mais le temps est sombre, et il ne fait pas bon voyager. Et puis votre cocher, je connais votre cocher, il est si petit, si faible.... Et puis je suis sûre que maintenant qu’il a du vin dans la tête, et qu’il dort dans un coin.... —

Et le visiteur était bien forcé de rester. Mais, du reste, la soirée passée dans une petite chambre bien chaude, une conversation amicale, douce, calmante et disposant au sommeil, le fumet fort appétissant des plats du souper, tout cela payait largement la complaisance du visiteur. Il me semble voir Athanase Ivanovitch, courbé dans sa chaise, et écoutant, son sourire éternel sur les lèvres, les discours de son hôte, non-seulement avec attention, mais avec une véritable jouissance. Le visiteur, qui, lui-même, ne quittait presque pas sa maison de campagne, faisait une foule de suppositions politiques, racontait avec un air effaré et une expression mystérieuse que les Français et les Anglais s’étaient secrètement concertés pour envoyer de nouveau Bonaparte en Russie, et il se mettait à discourir sur la guerre qui allait éclater.