Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/111

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

se pencha, et une légère rougeur colora le bas de son visage. Andry ne savait que lui répondre. Il aurait bien voulu lui exprimer tout ce que ressentait son âme, et l’exprimer avec autant de feu qu’il le sentait, mais il ne put y parvenir. Sa bouche semblait fermée par une puissance inconnue ; le son manquait à sa voix. Il reconnut que ce n’était pas à lui, élevé au séminaire, et menant depuis une vie guerrière et nomade, qu’il appartenait de répondre, et il s’indigna contre sa nature de Cosaque.

À ce moment, la Tatare entra dans la chambre. Elle avait eu déjà le temps de couper en morceaux le pain qu’avait apporté Andry, et elle le présenta à sa maîtresse sur un plateau d’or. La jeune femme la regarda, puis regarda le pain, puis arrêta enfin ses yeux sur Andry. Ce regard, ému et reconnaissant, où se lisait l’impuissance de s’exprimer avec la langue, fut mieux compris d’Andry que ne l’eussent été de longs discours. Son âme se sentit légère ; il lui sembla qu’on l’avait déliée. Il allait parler, quand tout à coup la jeune femme se tourna vers sa suivante, et lui dit avec inquiétude :

— Et ma mère ? lui as-tu porté du pain ?

— Elle dort.

— Et à mon père ?

— Je lui en ai porté. Il a dit qu’il viendrait lui même remercier le chevalier.

Rassurée, elle prit le pain et le porta à ses lèvres. Andry