Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/136

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son cheval pour faire face à ce nouvel ennemi ; mais l’animal ne lui obéit point. Épouvanté par ce terrible cri, il avait fait un bond de côté, et Koukoubenko put frapper, d’une balle dans le dos, le Polonais qui tomba de son cheval. Même alors, le Polonais ne se rendit pas ; il tâcha encore de percer l’ennemi, mais sa main affaiblie laissa retomber son sabre. Koukoubenko prit à deux mains sa lourde épée, lui en enfonça la pointe entre ses lèvres pâlies. L’épée lui brisa les dents, lui coupa la langue, lui traversa les vertèbres du cou, et pénétra profondément dans la terre où elle le cloua pour toujours. Le sang rosé jaillit de la blessure, ce sang de gentilhomme, et lui teignit son caftan jaune brodé d’or. Koukoubenko abandonna le cadavre, et se jeta avec les siens sur un autre point.

— Comment peut-on laisser là une si riche armure sans la ramasser ? dit l’ataman du kourèn d’Oumane, Borodaty.

Et il quitta ses gens pour s’avancer vers l’endroit où le gentilhomme gisait à terre.

— J’ai tué sept seigneurs de ma main, mais je n’ai trouvé sur aucun d’eux une aussi belle armure.

Et Borodaty, entraîné par l’ardeur du gain, se baissa pour enlever cette riche dépouille. Il lui ôta son poignard turc, orné de pierres précieuses, lui enleva