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Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/185

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fidèle compagnon se tenait debout devant lui, l’accablant de cruels reproches et d’injures. Enfin, il le saisit par les pieds, par les mains, l’emmaillota comme on fait d’un enfant, replaça tous les bandages, l’enveloppa dans une peau de bœuf, l’assujettit avec des cordes à la selle d’un cheval, et s’élança de nouveau sur la route avec lui.

— Fusses-tu mort, je te ramènerai dans ton pays. Je ne permettrai pas que les Polonais insultent à ton origine cosaque, qu’ils mettent ton corps en lambeaux et qu’ils les jettent dans la rivière. Si l’aigle doit arracher les yeux à ton cadavre, que ce soit l’aigle de nos steppes, non l’aigle polonais, non celui qui vient des terres de la Pologne. Fusses-tu mort, je te ramènerai en Ukraine.

Ainsi parlait son fidèle compagnon, fuyant jour et nuit, sans trêve ni repos. Il le ramena enfin, privé de sentiment, dans la setch même des Zaporogues. Là, il se mit à le traiter au moyen de simples et de compresses ; il découvrit une femme juive, habile dans l’art de guérir, qui, pendant un mois, lui fit prendre divers remèdes : enfin Tarass se sentit mieux. Soit que l’influence du traitement fût salutaire, soit que sa nature de fer eût pris le dessus, au bout d’un mois et demi, il était sur pied. Ses plaies s’étaient fermées, et les cicatrices faites par le sabre témoignaient seules de la gravité des blessures du vieux Cosaque. Pourtant, il était devenu