Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/205

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en avant, et le troisième descendait sur la bouche, ce qui lui donnait une singulière ressemblance avec un matou.

Le juif se courba jusqu’à terre, et s’approcha de lui presque plié en deux.

— Votre seigneurie ! mon illustre seigneur !

— Juif, à qui dis-tu cela ?

— À vous, mon illustre seigneur.

— Hum !… Je ne suis pourtant qu’un simple heiduque ! dit le porteur de moustaches à trois étages, et ses yeux brillèrent de contentement.

— Et moi, Dieu me damne, je croyais que c’était le colonel en personne. Aïe, aïe, aïe… En disant ces mots le juif secoua la tête et écarta les doigts des mains. Aïe, quel aspect imposant ! Vrai Dieu, c’est un colonel, tout à fait un colonel. Un seul doigt de plus, et c’est un colonel. Il faudrait mettre mon seigneur à cheval sur un étalon rapide comme une mouche, pour qu’il fît manœuvrer le régiment.

Le heiduque retroussa l’étage inférieur de sa moustache, et ses yeux brillèrent d’une complète satisfaction.

— Mon Dieu, quel peuple martial ! continua le juif : oh weh mir, quel peuple superbe ! Ces galons, ces plaques dorées, tout cela brille comme un soleil ; et les jeunes filles, dès qu’elles voient ces militaires… aïe, aïe !