Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
29
TARASS BOULBA

pour lui de passer devant la maison du vaïvode, car ses serviteurs étaient très nombreux. Andry la vit encore une fois dans l’église. Elle le remarqua, et lui sourit malicieusement comme à une vieille connaissance. Bientôt après le vaïvode de Kovno quitta la ville, et une grosse figure inconnue se montra à la fenêtre où il avait vu la belle Polonaise aux yeux noirs. C’est à cela que pensait Andry, en penchant la tête sur le cou de son cheval.

Mais dès longtemps la steppe les avait embrassés dans son sein verdoyant. L’herbe haute les entourait de tous côtés, de sorte qu’on ne voyait plus que les bonnets noirs des Cosaques au-dessus des tiges ondoyantes.

— Eh, eh, qu’est-ce que cela veut dire, enfants ? vous voilà tout silencieux, s’écria tout à coup Boulba sortant de sa rêverie. On dirait que vous êtes devenus des moines. Au diable toutes les noires pensées ! Serrez vos pipes dans vos dents, donnez de l’éperon à vos chevaux, et mettons-nous à courir de façon qu’un oiseau ne puisse nous attraper.

Et les Cosaques, se courbant sur le pommeau de la selle, disparurent dans l’herbe touffue. On ne voyait plus même leurs bonnets ; le rapide éclair du sillon qu’ils traçaient dans l’herbe indiquait seul la direction de leur course.

Le soleil s’était levé dans un ciel sans nuage, et versait