Page:Gogol - Tarass Boulba, Hachette, 1882.djvu/86

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qu’attendaient surtout les jeunes Cosaques, qui avaient honte de piller ou de vaincre des ennemis sans défense, et qui brillaient du désir de se distinguer devant les anciens, en se mesurant avec un Polonais hardi et fanfaron, monté sur un beau cheval, et vêtu d’un riche joupan[1] dont les manches pendantes flottaient au vent. Ces combats étaient recherchés par eux comme un plaisir, car ils y trouvaient l’occasion de faire un riche butin de sabres, de mousquets et de harnais de chevaux. De jeunes hommes au menton imberbe étaient devenus en un mois des hommes faits. Les traits de leurs visages, où s’était jusque-là montrée une mollesse juvénile, avaient pris l’énergie de la force. Le vieux Tarass était ravi de voir que, partout, ses fils marchaient au premier rang. Évidemment la guerre était la véritable vocation d’Ostap. Sans jamais perdre la tête, avec un sang-froid presque surnaturel dans un jeune homme de vingt-deux ans, il mesurait d’un coup d’œil l’étendue du danger, la vraie situation des choses, et trouvait sur-le-champ le moyen d’éviter le péril, mais de l’éviter pour le vaincre avec plus de certitude. Toutes ses actions commencèrent à montrer la confiance en soi, la fermeté calme, et personne ne pouvait méconnaître en lui un chef futur.

  1. Redingote polonaise.