Page:Goldenweiser - Le Crime comme peine, la peine comme crime.djvu/84

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cria Marie Pawlowna ; du siège de la charrette où elle était assise auprès de Kryltzoff malade, à Nekludoff qui la dépassait en troïka, on a enlevé les menottes à Bausovkine. Il porte lui-même sa fille à présent ».

Cet épisode est aux yeux de Tolstoï une nouvelle confirmation de la cruauté du système pénitentiaire accomplissant aveuglément son œuvre sans remarquer à quelles contradictions avec leurs sentiments et leurs attachements naturels il amène les hommes. Les parents séparés de leurs enfants, le mari de sa femme, sont des suites tellement inévitables du régime forcé et nous y sommes si habitués que nous avons fini par perdre toute conscience de la barbarie que renferment ces mesures. Mais Tolstoï, lui, le ressent avec la liberté d’esprit d’un homme tombé parmi nous d’une autre planète. On ne peut pas dire que cette séparation des membres d’une famille soit un cas fortuit, distinct des graduations du châtiment établies par la loi. Voici à ce sujet un cas pris dans notre pratique judiciaire. Le 15 novembre 1896, la cour d’assises de Kieff arrêta le verdict que les jurés avaient rapporté aux époux Daschlewski. Le mari se voyait condamner à la déportation au gouvernement de Tomsk pour avoir abusé des capitaux confiés à sa garde. Sa femme fut reconnue sa complice et comme telle bénéficia de deux degrés dans sa condamnation, qui pour elle était la déportation au gouvernement d’Olonetz. Si le tribunal l’avait condamnée avec la même sévérité que son mari, elle