Page:Goldoni - Les chefs d'oeuvres dramatiques, trad du Rivier, Tome I, 1801.djvu/32

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Préliminaire.

des vertus. Car, si les fausses lumières d’une vaine philosophie ont pu égarer les hommes une fois, si l’abus des sciences en général, les a conduits à leur perte, il n’en est pas moins vrai que l’ignorance et la barbarie qui marche à sa suite, ont fait bien plus de maux encore. Quelques pages de la révolution suffisent pour réfuter le paradoxe fameux renouvelé de nos jours, et décident victorieusement une question, qui n’en devait pas être une parmi des peuples policés.

Pardon, Mânes éloquens de l’illustre citoyen de Genève, pardon ! Personne n’admire plus que moi l’énergie sublime de tes écrits : mon ame s’enflamme et brûle avec la tienne ! Tu voulus le bien ; je le crois : tu aimas la vertu ; je tâche de me le persuader : je perdrais, sans cela, le premier charme qui m’attache à la lecture de tes ouvrages. Mais, qu’aurais-tu pensé, si, spectateur un seul jour, de ce dont nous avons été si long-temps les témoins, tu avais vu la stupide Ignorance dictant ses lois de fer à tout un peuple, dévouant à la mort tout ce qui était instruit, et livrant aux flammes les monumens des arts et les instrumens de toutes les sciences ! Ô toi, qui fis parler si éloquemment autrefois l’ombre vertueuse du grand Fabricius, dans Rome corrompue par le luxe et avilie par des arts indignes d’elle ; que n’aurais-tu pas dit toi-même à des Français, le disputant de grossièreté et de barbarie avec les peuples les plus sauvages, et de férocité, avec les plus cruels ? Avec quelle indignation tu aurais, entendu ces bouches, toujours dégoûtantes de sang, profaner