Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/137

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J’entrai, sur la route, dans un cabaret, asile ordinaire de l’indigence et de la frugalité ; là, je me mis au lit, attendant patiemment l’issue de la maladie. Je languis près de trois semaines ; à la fin, ma constitution l’emporta. Mais j’étais pris au dépourvu ; point d’argent pour payer les soins que je venais de recevoir ; c’était assez de l’inquiétude de cette position pour me causer une rechute. Heureusement je fus tiré d’affaire par un voyageur qui s’arrêta dans ce cabaret pour s’y rafraîchir en courant.

Ce voyageur n’était autre que le libraire philanthrope du cimetière Saint-Paul, qui a écrit tant de petits livres pour les enfants. Il s’était lui-même appelé leur ami ; mais il était bien l’ami du genre humain tout entier. À peine entré, il avait hâte d’être reparti, tout occupé qu’il était sans cesse d’affaires de la plus haute importance ; et, en ce moment, au fait, il réunissait des matériaux pour l’histoire d’un M. Thomas Trip. Je reconnus à l’instant le bonhomme à sa face rubiconde et bourgeonnée ; car il avait publié mon livre contre les Deutérogames du siècle. Je lui empruntai quelque argent que je promis de lui remettre à mon retour ; puis je quittai mon cabaret, et, me sentant faible encore, je repris le chemin de ma demeure à petites journées de dix milles.

J’avais repris ma santé et mon calme habituels, et maintenant je condamnais cette révolte de mon orgueil contre la main qui me châtiait. L’homme ne sait guère quelles calamités sont au-dessus de sa force de résistance, jusqu’à ce qu’il en ait fait l’épreuve. En gravissant les hauteurs de l’ambition, qui, d’en bas, semblent si brillantes, chaque pas, dans la montée, nous découvre l’abîme sombre de quelque mécompte inaperçu ; de même, quand nous descendons du faîte des plaisirs, la vallée de la misère peut, à nos pieds, nous apparaître sombre et ténébreuse ; mais, toujours en éveil, toujours au guet d’une distraction, l’esprit trouve, à mesure que nous descendons, quelque