chose qui flatte et plaît ; à notre approche, les points les plus obscurs s’éclairent, et l’œil de l’âme s’habitue au contact des ténèbres.
J’avais marché deux heures, et j’avançais dans ma route, quand j’aperçus quelque chose qui me fit, à distance, l’effet d’un fourgon ; je voulus le rejoindre, mais, de près, je reconnus le chariot d’une troupe de comédiens ambulants, qui voiturait leurs décorations et tout le reste de leur bagage au hameau voisin, où ils allaient donner une représentation.
Le chariot n’était accompagné que du conducteur et d’un membre de la troupe ; le reste des acteurs devait rejoindre le lendemain. « Bonne compagnie, dit le proverbe, abrège la route. » J’abordai le pauvre acteur, et, comme j’avais eu jadis quelques dispositions pour le théâtre, me voilà dissertant sur la matière avec ma liberté habituelle. Mais, fort peu au courant de l’état actuel du théâtre, je demandai quels étaient, en ce moment, les écrivains en vogue, les Drydens, les Otways du jour. « Peu de nos modernes dramaturges, me répondit l’acteur, se trouveraient, monsieur, fort honorés de la comparaison avec les écrivains que vous citez. La manière de Dryden et de Rowe est tout à fait passée de mode ; notre goût a remonté d’un siècle. Fletcher, Ben Johnson et le théâtre entier de Shakspeare sont tout ce qui est de mise aujourd’hui ! — Est-il possible, m’écriai-je. Notre siècle s’amuser de cette langue qui n’a plus cours, de ces lazzi usés, de ces caractères outrés ! — Langue, lazzi, caractères !… Le public, monsieur, ne songe pas à tout cela ; car ce n’est pas son affaire. Ce qu’il cherche, c’est qu’on l’amuse, et il est ravi quand il peut se régaler d’une pantomime sous le patronage des noms de Johnson et de Shakspeare. — En sorte, je suppose, que nos modernes dramaturges copient plutôt Shakspeare que la nature. — À vrai dire, je crois qu’ils ne copient rien ; et, au fait, le public n’y tient pas. Les effets de scène, les poses, autant qu’on peut en entasser, voilà ce qui arrache les bravos, et non