Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/143

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« Et d’abord, si, chez nous, la situation de l’État favorise l’accumulation de la richesse et accroît incessamment la fortune des plus riches, leur ambition devra croître d’autant. Or, l’accumulation de la richesse est inévitable lorsque, comme en ce moment, les bénéfices du commerce étranger excèdent ceux que donne l’industrie intérieure ; car le commerce étranger ne peut être exploité avec profit que par des riches, qui recueillent, d’ailleurs, en même temps, tous les bénéfices de l’industrie intérieure ; en sorte que le riche, chez nous, a deux sources de richesse quand le pauvre n’en a qu’une. Voilà pourquoi, dans les États commerçants, la richesse tend toujours à s’accumuler, et, jusqu’à ce jour, ces États sont tous, avec le temps, devenus aristocratiques.

« D’autre part, nos lois elles-mêmes peuvent contribuer à l’accumulation de la richesse, quand, par elles, les liens naturels qui unissent le riche au pauvre se trouvent brisés ; quand, par exemple, elles prescrivent au riche de ne se marier qu’avec le riche ; quand l’homme éclairé est proclamé inhabile à entrer dans les conseils du pays, uniquement parce qu’il est sans fortune, et qu’ainsi la richesse devient l’unique objet de l’ambition du sage. Je le soutiens, avec de pareils moyens ou des moyens analogues, la richesse ira toujours s’accumulant.

« À présent, le possesseur de cette richesse accumulée, quand il s’est donné le nécessaire et les douceurs de la vie, n’a d’autre emploi du superflu de sa fortune que l’achat du pouvoir, en d’autres termes, que l’achat de la liberté de tout ce qui est besoigneux et vénal, et, par suite, l’asservissement des hommes qui consentent à supporter, pour un morceau de pain, l’humiliation du contact de la tyrannie.

« C’est ainsi qu’en général, chaque riche attire autour de lui un cercle de pauvres, et toute société où abonde la richesse accumulée, peut se comparer au monde cartésien ; à chaque orbite son tourbillon.