Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/170

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que de bouger pour leur parler. En ce moment, par exemple, nous avons là-haut une jeune femme qui est venue s’installer ici, et je ne puis me mettre en tête qu’elle ait grand argent, elle est trop polie ! Je suis certaine qu’elle est dure à la paye, et j’ai grande envie de le lui rappeler ! — Le lui rappeler ! répliqua l’hôte ; qu’est-ce que cela signifie ? Son argent, s’il ne vient pas vite, est au moins de l’argent sûr. — Je n’en sais rien ; mais, ce que je sais bien positivement, c’est que, depuis quinze jours qu’elle est ici, nous n’avons pas encore vu la couleur de son argent. — Je suppose, ma chère, que nous recevrons le tout en bloc. — En bloc ! oh ! nous serons payés, j’espère, de façon ou d’autre, et pas plus tard que ce soir, j’y suis bien décidée, ou bien elle délogera avec son sac et ses quilles ! — Faites attention, ma chère, que c’est une femme comme il faut, et qu’elle mérite plus d’égards. — Oh ! pour cela, comme il faut ou non, elle ploiera bagage et au galop. Vos gens comme il faut peuvent être une fort bonne chose quand ils consomment ; mais, pour mon compte, je n’ai jamais vu grand’chose d’eux à l’enseigne de la Herse. » À ces mots, elle grimpa un escalier étroit qui conduisait de la cuisine à une chambre au-dessus de notre tête, et bientôt, aux éclats de sa voix, à l’aigreur de ses reproches, je reconnus qu’il n’y avait pas d’argent à attendre de la jeune femme qui l’occupait. J’entendais très-distinctement ses invectives : « Dehors, vous dis-je ! faites à l’instant votre paquet ! Délogez, infâme coureuse !… ou je vais vous administrer une correction dont il vous cuira plus de trois mois ! Comment ! voleuse, venir s’installer dans une maison honnête, sans un liard pour vous goberger !… Détalez, vous dis-je ! — Ô madame ! répondait l’étrangère, pitié pour moi, pitié pour une malheureuse délaissée ! Une nuit seulement, et la mort fera bientôt le reste !… »

Je reconnus la voix de ma pauvre fille, de mon Olivia. Je volai à son secours, car déjà l’hôtesse l’entraînait par les cheveux, et je la