Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/171

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reçus, l’infortunée !… dans mes bras. « Viens, oh ! viens sur le cœur de ton pauvre père, chère enfant, toi que j’avais perdue, toi, mon trésor ! Les méchants ont beau t’abandonner, il y a encore dans ce monde quelqu’un qui ne t’abandonnera pas ! Fusses-tu dix mille fois coupable, il te pardonnera tout ! — Cher !… (Elle fut quelques instants sans pouvoir en dire davantage.) Cher et excellent père ! Oh ! les anges pourraient-ils être plus miséricordieux que vous ! Non, je ne mérite pas tant d’indulgence ! L’infâme !… je l’abhorre, je m’abhorre moi-même ! Si coupables tous deux pour tant de bonté !… Vous ne pouvez me pardonner ; oh ! je sens que vous ne le pouvez !… — Si, chère enfant, si ! je te pardonne de bien bon cœur ! Du repentir seulement ! et tous deux nous serons heureux ; nous retrouverons encore, mon Olivia, des jours de délices ! — Jamais, monsieur, jamais ! Le reste de ma triste vie ne peut plus être qu’infamie au dehors et honte au dedans. Mais, hélas ! pauvre père, vous me semblez plus pâle que de coutume. Vous aurais-je, misérable que je suis ! à ce point contristé !… Oh ! vous êtes trop sage pour que la peine de mon crime retombe sur vous… — Trop sage, jeune femme !… — Oh !… papa, pourquoi ce nom !… c’est la première fois que vous m’appelez d’un nom si froid. — Pardon, chère enfant ; j’allais te dire que la sagesse est un bien lent remède contre la douleur, quoique, à la fin, elle soit un remède sûr ! »

L’hôtesse rentra pour savoir si nous ne voulions pas un appartement plus convenable ; j’acceptai son offre, et elle nous conduisit dans une chambre où nous pûmes causer plus librement. Quand nous eûmes repris un peu de calme, je ne pus m’empêcher de lui demander par quels degrés elle était arrivée à la triste situation dans laquelle je la retrouvais. « L’infâme ! me dit-elle ; le premier jour que nous nous sommes vus, il me fit des propositions honnêtes, quoique secrètes.