Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/187

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« Le seul moyen de cacher sa faute, de voiler sa honte à tous les yeux, d’éveiller le remords au cœur de son amant et de le déchirer, c’est… c’est de mourir. »

Elle finissait ce dernier couplet auquel une pause dans sa voix, causée par la douleur, avait donné un intérêt tout particulier, lorsque l’équipage de M. Thornhill parut à quelque distance. Nous fûmes tous consternés, ma fille aînée surtout, qui, pour ne pas voir son séducteur, rentra sur-le-champ avec Sophie. Quelques minutes après, M. Thornhill, descendu de voiture, s’avançait près du banc où j’étais assis, et s’informait de ma santé avec son air de familiarité habituelle. « Monsieur, lui dis-je, votre assurance, en ce moment, ne fait qu’aggraver l’infamie de votre conduite. Il fut un temps où j’eusse châtié l’impudence avec laquelle vous osez vous présenter devant moi ; aujourd’hui, vous n’avez rien à craindre. L’âge a refroidi mes passions et ma profession m’ordonne de les maîtriser.

— Je l’avoue, mon cher monsieur, répondit-il, cet accueil m’étonne, et je ne comprends pas ce qu’il veut dire. Vous ne trouvez, j’imagine, rien de criminel à l’excursion que votre fille vient de faire avec moi.

— Ah ! vous êtes un misérable ! un pauvre misérable dont la bassesse fait pitié !… Vous êtes un menteur. Mais votre infamie vous met à l’abri de ma colère, et pourtant, monsieur, je descends d’une famille qui n’aurait pas souffert un pareil affront. Ainsi donc, vil scélérat, pour satisfaire le caprice d’un moment, vous avez à jamais perdu une pauvre jeune fille, vous avez souillé une famille qui n’avait pour tout bien que l’honneur !…

— Si vous tenez, vous ou elle, à la misère, je n’y puis rien. Mais votre bonheur dépend encore de vous, et, quelle que soit votre opinion sur mon compte, vous me trouverez toujours prêt à y contribuer. Nous pouvons, en quelques jours, la marier à un autre, et, ce qui