Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/188

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vaut mieux, libre à elle de conserver son amant ; car, je le proteste, j’aurai toujours pour elle de véritables égards. »

À cette proposition abominable, toutes mes passions se soulevèrent. On peut parfois supporter avec calme de grands outrages ; mais parfois aussi la bassesse peut bouleverser l’âme et l’exaspérer jusqu’à la rage. « Hors d’ici, serpent ! m’écriai-je ; ne m’insultez pas plus longtemps par votre présence !… Oh ! que mon brave George n’est-il ici !… Il ne le souffrirait pas, lui ! mais moi, je suis vieux, estropié, accablé de toutes parts !

— Je le vois, répondit le Squire ; c’est un parti pris de m’obliger à vous parler un langage plus sévère que je ne le voulais. Je vous ai prouvé ce qu’on peut attendre de mon amitié ; il est bon, peut-être, de vous faire voir ce qu’on peut gagner à mon inimitié. Mon procureur, auquel on a passé l’obligation que vous m’avez récemment souscrite, menace fort ; je ne vois d’autre moyen d’arrêter le cours de la justice que de payer moi-même, et, à raison de quelques dépenses où vient de m’entraîner mon projet de mariage, ce remboursement n’est pas chose si facile ! D’autre part, mon intendant parle de poursuites pour le fermage ; bien positivement, il sait, lui, ce qu’il doit faire ; car, pour moi, ce sont choses dont je ne m’inquiète jamais. Eh bien ! je veux encore vous être utile ; je veux même vous avoir, vous et votre fille, à mon mariage avec miss Wilmot, qui va se célébrer dans quelques jours. C’est aussi le désir de ma charmante Arabella, et ce n’est pas de vous, j’espère, qu’elle éprouvera un refus.

— Monsieur Thornhill, écoutez-moi bien une fois pour toutes. Votre mariage avec toute autre que ma fille !… je n’y consentirai jamais. Votre amitié ! votre haine ! oh ! quand elles pourraient m’élever au trône ou me précipiter dans la tombe, je les méprise l’une et l’autre. Vous m’avez, une première fois, trompé d’une manière cruelle, irréparable. Je comptais sur votre honneur ; je n’ai trouvé en vous