Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/190

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« Comment ! mes bons amis, m’écriai-je, comment pouvez-vous chercher à me persuader une chose qui n’est pas juste ? Mon devoir m’a prescrit de pardonner à M. Thornhill, mais ma conscience ne me permettra jamais de l’estimer. Voulez-vous me voir applaudir, devant le monde, ce qu’intérieurement je dois condamner ? Voulez-vous me voir bassement à genoux devant un infâme, baiser la main de celui qui nous a trompés, et, pour éviter quelques jours de prison, me condamner éternellement aux souffrances d’une détention bien autrement douloureuse, celle de l’âme ?… Non, jamais ! si nous devons être arrachés de cette demeure, ne nous écartons pas de la justice, et, quelque part qu’on nous jette, notre habitation nous sera agréable tant que nous pourrons lire dans nos propres cœurs avec confiance et avec plaisir ! »

Ainsi se passa la soirée. Le lendemain, de bonne heure, comme, dans la nuit, il avait tombé beaucoup de neige, Moïse venait de se mettre à la balayer et à faire un passage devant la porte, lorsque, rentrant précipitamment, tout pâle, il nous annonça que deux étrangers, qu’il reconnaissait pour des agents de la justice, se dirigeaient vers la maison. Il parlait encore quand les deux étrangers entrèrent, s’approchèrent du lit où j’étais couché, et, après m’avoir notifié leur qualité et le motif de leur visite, me déclarèrent leur prisonnier, et m’enjoignirent de me préparer à les suivre à la prison du comté, qui était à onze milles de là.

« Mes amis, leur dis-je, vous allez me conduire en prison par un temps bien rude, et, pour comble de malheur, dans un moment où je viens d’avoir un bras horriblement brûlé, où cet accident m’a donné un peu de fièvre, où je manque de vêtements pour me couvrir, où je suis trop faible et trop vieux pour marcher bien loin dans une neige si épaisse ; mais, s’il le faut absolument… »

Je me tournai alors vers ma femme et mes enfants, et je les priai de