Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/202

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mes amis, le comble de la stupidité, en ce monde, c’est, quand on a dévalisé une maison, de courir se jeter dans les bras de la police ! Êtes-vous donc plus sages, vous autres ? Tous tant que vous êtes, vous demandez votre bien-être à qui vous a déjà trompés ; vous vous livrez à un compère plus méchant que pas une police au monde. Elle, en effet !… elle vous happe et vous pend ; c’est là tout. Lui !… il vous happe, vous pend, et, ce qui est le pis, ne vous lâche pas quand le bourreau a fini ! »

Mon exhortation terminée, je reçus les compliments de tout mon auditoire ; quelques détenus vinrent à moi, et, me serrant la main, me jurèrent que j’étais un brave homme, et qu’ils désiraient faire avec moi plus ample connaissance. Je promis une nouvelle lecture pour le lendemain, et je conçus réellement l’espoir d’opérer une réforme dans la prison ; car mon avis a toujours été que, pour l’homme, jamais l’heure du retour au bien n’est passée, le cœur se découvrant toujours aux traits du reproche, pour peu que l’archer vise juste.

Heureux de ce premier essai, je remontai à ma chambre où ma femme avait préparé notre frugal repas. Maître Jenkinson nous demanda la permission d’y ajouter le sien et de partager, comme il le dit poliment, le plaisir de ma conversation. Il n’avait pas encore vu ma famille ; car, passant pour arriver chez moi par cet étroit corridor dont j’ai parlé plus haut, elle évitait la prison commune. À cette première entrevue, Jenkinson parut vivement frappé de la beauté de Sophie à laquelle son air pensif donnait un nouveau charme, et les deux marmots n’échappèrent pas à son attention.

« Ah ! docteur, me dit-il, ces enfants sont trop beaux et trop bons pour un séjour comme celui-ci !

— Grâce au ciel, monsieur Jenkinson, mes enfants ont de leurs devoirs une idée convenable, et, s’ils sont bons, le reste importe peu !