Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/232

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sion à notre table de mon fidèle camarade, maître Jenkinson ; le geôlier y consentit d’un air de soumission tout à fait inaccoutumé.

À peine le bruit des chaînes de son frère se fit-il entendre dans le corridor, que Sophie, ne pouvant y tenir, courut au-devant de lui, M. Burchell profita de ce moment pour me demander si le nom de mon fils était George ; sur ma réponse affirmative, il se tut. Dès que George fut entré dans la chambre, je m’aperçus qu’il regardait M. Burchell d’un air de surprise et de respect. « Viens, mon enfant, lui dis-je ; nous sommes tombés bien bas, George ; pourtant la Providence a daigné nous accorder un peu de répit dans nos douleurs. Ta sœur vient de nous être rendue, et voici son libérateur ; c’est à ce brave homme que je dois d’avoir encore une fille. Allons, mon enfant, donnez-vous la main en bons amis ; il mérite toute notre reconnaissance ! »

George semblait ne faire aucune attention à ce que je venais de lui dire ; il restait immobile à une distance respectueuse. « Mon ami, lui dit sa sœur, pourquoi ne pas remercier mon généreux libérateur ? Les braves doivent s’aimer. »

Même surprise et même silence. À la fin, notre hôte, se voyant reconnu, prit son air de dignité naturelle et invita George à s’approcher. Jamais je n’avais rien vu de si imposant que son maintien en ce moment. Le plus beau spectacle dans l’univers, a dit un philosophe, c’est le juste avec l’adversité. Il y en a un plus bel encore ; … le juste venant au secours du malheur. Après avoir examiné quelque temps mon fils, d’un air de supériorité : « C’est la seconde fois, jeune étourdi, lui dit-il, que le même crime….. » Il fut interrompu par un des aides du geôlier. Une personne de distinction venait d’arriver en ville, dans un carrosse, et avec une nombreuse suite ; il présentait ses respects au gentleman qui était avec nous, et le priait de lui faire connaître quand il pourrait avoir l’honneur de lui parler. « Dites-lui, répondit notre