Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/233

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convive, d’attendre que j’aie le temps de le recevoir. » Puis, se tournant vers George : « C’est la seconde fois, monsieur, reprit-il, que vous vous rendez coupable d’un crime pour lequel vous aviez déjà encouru mes reproches, et dont la loi va justement vous punir. Vous imaginez peut-être que le mépris de votre propre vie vous donne le droit de disposer de la vie d’autrui ; mais quelle différence faites-vous, monsieur, entre le duelliste qui hasarde une vie dont il ne fait aucun cas, et le meurtrier qui agit à coup plus sûr ? L’homme qui triche au jeu est-il moins coupable quand il allègue qu’il avait une mise sur table ?

— Ah ! monsieur, m’écriai-je, qui que vous soyez… ayez pitié d’un malheureux qu’ont égaré de funestes conseils. Ce qu’il a fait, c’est pour obéir à une mère abusée, qui, dans l’amertume de sa douleur, le sommait de venger son injure, et mettait à ce prix sa bénédiction. Voici la lettre, monsieur : elle vous convaincra de l’imprudence de la mère, et atténuera le crime du fils. »

Il prit la lettre et la lut rapidement. « Elle ne l’excuse pas complètement, reprit-il ; mais elle atténue tellement sa faute, que je consens à lui pardonner. Maintenant, monsieur, continua-t-il, en prenant affectueusement George par la main, vous êtes surpris, je le vois, de me trouver ici ; mais j’ai souvent visité les prisons pour des motifs moins intéressants. Je suis venu aujourd’hui faire rendre justice à un honnête homme, pour lequel j’ai la plus sincère estime. J’ai été longtemps, sous un nom d’emprunt, le spectateur des bonnes actions de votre père ; j’ai, dans sa modeste habitation, joui d’égards que ne souillait point la flatterie ; j’ai goûté, dans l’amusante simplicité de son coin du feu, ce bonheur que les cours ne peuvent donner. Mon neveu a su mon projet de me rendre en cette prison, et je vois qu’il m’y a suivi. Il y aurait injustice, pour lui comme pour vous, à le condamner sans examen. S’il y a tort, il y aura réparation ; je puis affir-