Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/234

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mer, sans vanité, que nul n’a jamais accusé d’injustice sir William Thornhill. »

Ainsi donc, le personnage que nous avions si longtemps reçu sans façon, comme un hôte d’une société douce et agréable, n’était autre que le célèbre sir William Thornhill, cet assemblage merveilleux de vertus et de bizarreries. Le pauvre M. Burchell était, en réalité, le possesseur d’une vaste fortune, un homme d’un crédit immense, écouté, applaudi dans les deux chambres du parlement, considéré de tous les partis, l’ami de son pays, mais le fidèle sujet de son roi.

Ma pauvre femme, se rappelant la familiarité avec laquelle elle le traitait, paraissait fort mal à l’aise ; et Sophie, qui, un moment auparavant, le croyait à elle, mesurant maintenant l’espace immense que la fortune mettait entre lui et nous, ne put cacher ses larmes.

« Ah ! monsieur, s’écria ma femme, d’un air consterné, comment pourrez-vous jamais me pardonner le ton dédaigneux avec lequel je vous ai parlé la dernière fois que j’ai eu l’honneur de vous voir chez moi, les plaisanteries que j’ai osé me permettre sur vous ; … je le crains bien, vous ne me les pardonnerez jamais !

— Ma bonne et chère dame, répondit-il avec un sourire, si vous avez fait des plaisanteries, moi aussi, j’ai eu mon tour ; c’est à la galerie de décider si mes plaisanteries n’ont pas valu les vôtres. Franchement, je ne sache personne à qui je pusse en vouloir en ce moment, sauf le drôle qui a fait si grand peur à ma petite amie. Je n’ai pas eu le temps d’examiner assez le vaurien, pour pouvoir faire afficher son signalement. Mais vous, Sophie, dites-moi, ma chère, pourriez-vous le reconnaître ?

— Je n’ose l’assurer, monsieur ; pourtant je me rappelle qu’il a une grande marque au-dessus d’un des sourcils, — Pardon, madame, dit Jenkinson qui se trouvait à côté d’elle ; ayez la bonté de me dire si le gaillard avait les cheveux rouges ? — Oui, je le crois, répondit