Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/242

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hill se fît chez elle ; et, pour se rafraîchir, ils venaient d’entrer dans une auberge à l’autre bout de la ville. D’une des fenêtres de cette auberge, la jeune lady avait, par hasard, aperçu un de nos deux jeunes enfants qui jouait dans la rue ; elle avait à l’instant chargé un de ses gens de lui amener l’enfant, et venait d’apprendre par lui une partie de nos malheurs ; mais elle ignorait encore que M. Thornhill en fût la cause. Nous visiter dans une prison !… son père avait eu beau lui représenter l’inconvenance d’une pareille démarche, toutes ses représentations avaient été inutiles ; elle avait prié l’enfant de la conduire, l’enfant avait obéi, et voilà comment elle nous surprenait dans une circonstance si imprévue.

Je ne puis passer outre sans faire une réflexion sur ces rencontres toutes fortuites, qui, bien qu’elles se reproduisent tous les jours, ne nous surprennent guère que dans des occasions extraordinaires. À combien de hasards ne devons-nous pas chaque plaisir, chaque douleur de la vie ! Que d’accidents, du moins en apparence, dont la combinaison est indispensable pour que nous soyons vêtus ou nourris ! Il faut que le paysan veuille bien travailler, que la pluie tombe, que le vent enfle la voile du marchand, ou des milliers d’hommes manqueront du nécessaire !

Nous demeurâmes tous muets un moment. Il y avait, dans le regard de ma charmante élève (c’est le nom que je donnais habituellement à la jeune lady), un mélange de compassion et de surprise qui prêtait un nouveau charme à sa beauté. « Mon cher monsieur Thornhill, dit-elle au Squire, qu’elle supposait en ce lieu pour nous secourir et non pour nous accabler, je vous en veux un peu d’être venu ici sans moi, et de ne m’avoir jamais dit un mot de la situation d’une famille qui nous est si chère à tous les deux. Vous savez que j’aurais été aussi heureuse que vous de soulager mon vieux et respectable maître. Mais, je le vois, comme votre oncle, vous trouvez du plaisir à faire le bien en secret !