Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/243

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— Lui ! du plaisir à faire le bien !… s’écria sir William en l’interrompant ; non, ma chère ; ses plaisirs sont aussi vils que lui-même. Vous voyez en lui, madame, le scélérat le plus complet qui ait jamais déshonoré l’humanité ; un misérable qui, après avoir abusé de la fille de ce pauvre vieillard, après avoir attenté à l’innocence de sa sœur, a jeté le père en prison, et le fils aîné dans les fers parce qu’il a eu le courage de demander raison au fléau de sa famille. Permettez-moi, madame, de vous féliciter d’avoir échappé aux embrassements d’un pareil monstre !

— Bonté divine ! s’écria l’aimable fille, combien on m’a trompée ! M. Thornhill m’a donné comme certain que le fils aîné de monsieur, le capitaine Primrose, venait de se marier et de partir pour l’Amérique avec sa femme.

— Ma chère miss, répondit ma femme, il ne vous a dit que des mensonges. George n’a jamais quitté le royaume, et n’a jamais été marié. Quoique vous l’ayez oublié, il vous a toujours trop aimée, lui, pour penser à une autre, et je lui ai entendu dire qu’il voulait, par amour pour vous, mourir garçon. » Puis elle se mit à s’étendre sur la sincérité de la passion de son fils ; elle présenta, sous son vrai jour, le duel de George avec M. Thornhill, et, après une rapide digression sur les débauches du Squire et ses prétendus mariages, elle termina par d’insultantes railleries sur sa lâcheté.

« Grand Dieu ! reprit miss Wilmot, que j’ai été près de ma perte, et que j’ai de joie d’y avoir échappé ! Monsieur m’a fait cent mille mensonges ; il est parvenu enfin à me persuader que mes promesses au seul homme pour lequel j’eusse de l’estime ne m’engageaient plus, depuis qu’il avait été lui-même infidèle. Ce sont ces mensonges qui m’ont amenée à détester un homme aussi brave que généreux. »

Pendant cette explication, George avait été débarrassé des entraves de la justice ; car on venait de reconnaître que le prétendu blessé