Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/27

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dentes, par lesquelles il se substituait à la détresse d’un inconnu, il se contentait de répondre : « J’ai des ressources, moi, et ce malheureux n’avait de ressources que moi. »

Goldsmith avait pris possession de ces ressources dont il était si fier, comme de ces régions inconnues qu’il se figurait dans l’enfance. Il ne savait pas précisément pourquoi il avait des ressources, et il se demandait quelquefois si le talent n’est que cela ? Il était devenu d’autant plus modeste en grandissant de renommée, que l’opinion qu’il s’était formée du génie excédait toutes les idées qu’il avait conçues de lui-même. Il faisait cas des sympathies qu’il excitait, comme d’un simple hommage du cœur, et il rapportait les témoignages d’enthousiasme dont il était assailli, à la sensibilité de quelques organisations vives et tendres comme la sienne. Il se félicitait d’être aimé de plusieurs, parce qu’il n’y avait rien, selon lui, de préférable au bonheur d’être aimé ; mais on l’aurait blessé en le louant, parce qu’il doutait qu’il fût poëte.

La modestie de l’homme de lettres est une vertu si rare, que personne ne s’en avise ; et celle de Goldsmith avait été, sans difficulté, prise au mot. Il était par conséquent timide, comme les gens modestes à la médiocrité desquels on croit sur parole, et gauche comme les gens timides. Les hommes de ce caractère ne parviennent jamais à rien, et Goldsmith serait mort pauvre et dédaigné à quatre-vingts ans comme à quarante-cinq. Il osait à peine porter la parole dans la société même de ses amis, parce que sa parole n’avait d’autorité que lorsqu’elle était écrite, et qu’elle remontait à sa source avec l’approbation désintéressée de ceux qui ne l’avaient pas entendue de sa