Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/28

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bouche. Il ne manquait pas de saillies spirituelles, dont il était le seul à sourire ; mais il n’en jouissait réellement que lorsqu’elles avaient été répétées avec assurance par un sot. Le seul point dont on convenait volontiers, c’est que Goldsmith était un bon homme, et Goldsmith avait eu l’excellent esprit de se contenter de ce succès, qui est, à la vérité, le meilleur de tous. La postérité lui a fait sa part, et je doute qu’il s’en soit beaucoup soucié de son vivant.

Voilà la vie de Goldsmith, comme je l’ai apprise de ses contemporains, et comme je crois la comprendre. J’ai été fidèle au type de sa médaille ; mais j’en connaissais le revers. La mauvaise fortune qui l’a poursuivi durant sa vie entière ne devait pas même lui donner de relâche devant la postérité. C’est qu’on n’est pas impunément un grand homme pour l’avenir, quand on a été méconnu de son siècle. Il fallait bien que la médiocrité insolente qui accabla Goldsmith d’un sot dédain se vengeât de quelque manière du triomphe tardif qu’on décernait à sa mémoire. Il était mort jeune au milieu d’un monde jeune et vivace d’auteurs, de critiques et de prétendus gens de goût, qui n’avaient pas su l’apprécier, et qui ne pouvaient se justifier de leur indifférence qu’en le calomniant. Cette tactique n’est pas nouvelle ; ce qui est déplorable, c’est qu’elle réussit toujours.

Il est donc convenu qu’on laissera Goldsmith en libre possession de sa renommée d’écrivain et de poëte, qu’il serait d’ailleurs difficile de lui ravir ; mais on flétrira sa vie pour s’excuser d’avoir mal jugé son talent. On vous dira que l’auteur du Vicaire de Wakefield n’était au fond qu’un vagabond, un