Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/75

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Ce timide regard, ce sein palpitant le font tressaillir. Le bel étranger est reconnu ! — C’est une vierge dans tout son charme !


« Ah s’écrie-t-elle, pardon pour l’étranger importun, pour le misérable délaissé dont le pied coupable profane la retraite où habitent le ciel et vous !


« Mais pitié pour une jeune fille qu’a égarée l’amour, qui cherche le repos, et ne trouve pour compagnon que le désespoir.


« Mon père habitait les bords du Tyne : c’était un lord opulent ; tous ses biens devaient m’appartenir, car il n’avait que moi.


« Pour m’enlever de ses bras chéris, d’innombrables amants accoururent ; ils me jugeaient sur le bruit de mes charmes, ils ressentaient ou feignaient l’amour.


« Chaque jour, cette avide cohue étalait à l’envi ses plus magnifiques présents. Dans la foule, le jeune Edwin abaissa devant moi son regard ; mais il ne parla jamais d’amour.


« Son vêtement était simple et modeste : il n’avait ni trésors, ni pouvoir ; la sagesse, la vertu, était tout ce qu’il avait ; mais tout cela était pour moi !


« Quand à mes côtés, dans le vallon, il chantait des chants d’amour, ses accents donnaient à la brise un doux parfum et remplissaient le bocage d’harmonie.


« La fleur éclose du matin, la limpide rosée du ciel, n’auraient pu égaler la pureté de son âme.


« La rosée, la fleur, brillent de charmes inconstants. Leurs charmes, il les avait, lui ! — Moi, malheureuse ! j’avais leur inconstance.


« Vaine, indiscrète, j’épuisai toutes les ruses de la coquetterie, son amour touchait mon cœur, et pourtant je triomphais de sa souffrance.