Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/74

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Il étale devant lui les dons des champs et des bois, il le presse avec un joyeux sourire ; il cherche, par les merveilles de la légende, à charmer la lente marche des heures.


Près de lui, partageant sa douce joie, son jeune chat fait ses mille tours ; le grillon chante dans le foyer, le fagot brûle en pétillant.


Mais rien ne peut adoucir la tristesse de l’étranger : la douleur pèse sur son cœur ; et ses larmes commencent à couler.


Ces larmes, l’ermite les épiait ; et, tout ému lui-même de la douleur de son hôte : « Pauvre jeune homme, dit-il, d’où viennent les chagrins de ton cœur ?


« Repoussé d’un plus doux séjour, as-tu erré luttant contre un ordre cruel ? ou bien est-ce une amitié sans retour qui cause ta peine ? est-ce un amour dédaigné ?


« Hélas ! les joies que donne la fortune valent si peu, meurent si vite ! Mettre du prix à de pareils riens, c’est valoir encore moins qu’eux.


« L’amitié — qu’est-ce autre chose qu’un mot, un charme qui nous berce pour nous endormir, une ombre qui suit la richesse ou la gloire, qui laisse le malheureux à la merci de la douleur ?


« L’amour ! c’est un mot plus vide encore ; ce n’est plus, de nos jours, que le jouet de la beauté. Jamais on ne le vit sur la terre, ou jamais il n’y échauffa que le nid de la tourterelle !


« Allons, jeune insensé ! silence à tes chagrins ! adieu à un sexe trompeur ! » À ces mots, une subite rougeur a trahi son hôte gracieux.


Ô surprise ! De nouveaux attraits se révèlent ; ils brillent tout à coup à ses yeux, ainsi que les teintes de la nue du matin, comme elles éblouissants, mais passagers comme elles.