Aller au contenu

Page:Gomont - Anecdotes historiques et morales, 1851.pdf/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 6 —

des plus beaux livres de notre langue[1], raconte que, parmi les paysans, il avait toujours rencontré des gens croyants et pieux. Un jour cependant, il en trouva un qui était ce qu’on appelle esprit-fort, c’est-à-dire, qui ne croyait pas ce que nous enseigne la religion et ce qu’ont admis tant d’hommes d’une science et d’un génie supérieur. Bernardin de Saint-Pierre le laissa exposer toutes ses idées, et les raisons pour lesquelles il ne croyait pas à l’existence de Dieu ; ce que le paysan fit d’un air vaniteux et fort content de lui-même. Ensuite, il lui dit : « Eh bien, maintenant, êtes-vous devenu plus heureux que vos pareils en perdant la foi qu’ils ont conservée ? »

Cette parole est d’une profonde sagesse. En effet, pour son bonheur, qu’est-ce que cet homme avait gagné à devenir incrédule ? S’il faisait une heureuse récolte, s’il avait une bonne santé, si sa femme et ses enfants lui donnaient des sujets de satisfaction, en quoi l’idée que Dieu n’était pour rien dans tout ce bonheur, pouvait-elle l’augmenter ? Et si, au contraire, le sol le payait mal de ses travaux, s’il était malade, si sa famille lui causait des

  1. Paul et Virginie.