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Page:Gomot - Histoire de l’abbaye royale de Mozat, 1872.djvu/35

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L’ABBAYE DE MOZAT.

nous eût été facile d’emprunter aux archives de nos châtellenies une longue nomenclature de noms tour à tour inscrits dans les chroniques des monastères de la contrée pour leurs attaques violentes et leurs repentirs presque inconsolables. L’expiation du crime n’était pas seulement dans l’œuvre matérielle de l’édifice enrichi, elle était surtout dans la solennité exemplaire de l’œuvre chrétienne, « pouvant seule sauver les coupables du damn éternel. »

Ce que les chefs faisaient par esprit de pénitence, la foule ardente, docile, convaincue, le faisait dans un élan de dévotion, heureuse de concourir à la sainte entreprise par la prière, les austérités du jeûne, les sacrifices de temps et de fortune. Au premier signal, les fidèles accouraient de tous les points de la contrée comme pour une croisade, et l’on voyait nobles, vilains ou serfs fraternellement confondus dans le même labeur. « C’est un prodige inouï, dit Haimon, abbé de Saint-Pierre-sur-Dive, que de voir des hommes puissants, fiers de leur naissance et de leurs richesses, accoutumés à une vie voluptueuse, s’attacher à un char avec des traits et voiturer les pierres, le bois, la chaux et tous les matériaux nécessaires pour la construction de l’édifice sacré. Quelquefois, mille personnes, hommes et femmes, sont attelés au même char, tant la charge est considérable, et pourtant il règne un si profond silence que l’on n’entend point le plus léger murmure. Quand on s’arrête dans le chemin, on ne parle que pour faire