Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


l'œil étrange, et qu’on ne retrouve plus en Italie, — de cette Vénus jaillissant dans son tableau des Uffizi, comme une aurore boréale.

Ce tableau c’est une « Naissance de Vénus » où ce n’est plus la Vénus brune de l’antiquité, mais une Vénus qui paraît avoir pris naissance sur le Valpurgis : le type de la femme blonde du Nord, avec ses cheveux aux fils d’or, se déroulant autour de son corps blanc posant sur une hanche, éclairé par une sorte de lumière de clair de lune d’hiver, — et qui n’a gardé du paganisme mort que le pudique mouvement de la Vénus de Médicis, une main devant son sein, une autre main cachant avec une mèche de cheveux son sexe. Et la Vénus de Botticelli se dessine, en sa nudité, dans une tombée de lignes presque idéales, jusqu’à ses pieds, reposant sur une large coquille. À terre, une servante enveloppée d’une étoffe blanche, au semis de petites fleurs, pareil à un semis héraldique, tend un manteau à la déesse, pendant que, dans le ciel, sont suspendus deux petits dieux d’amour, dont l’un sème de roses l’éther, dont l’autre laisse tomber de sa bouche gonflée, un filet d’ambroisie sur les épaules de la déesse : petits dieux ou anges, qui ont l’aspect, élégamment souffreteux, de beaux enfants anglais qui seraient poitrinaires.



Raphaël. — « La Vierge au Chardonneret » de la